vendredi, décembre 23, 2005

Suite et fin sur l'Homme araignée....

Tour d'honneur pour l'homme-araignée

Privé d'escalade à Houston, Alain Robert grimpe sur un bâtiment parisien.

par François CARREL
QUOTIDIEN : vendredi 23 décembre 2005

En escaladant, mardi, les parois de la tour Cristal, 30 étages sur le quai André-Citroën à Paris, le grimpeur français Alain Robert, 43 ans, n'avait d'autre objectif que de réagir à sa dernière mésaventure américaine. Le 22 novembre, il tente de grimper un immeuble de 46 étages à Houston, Texas. La police est informée : «J'ai sauté du taxi, couru comme un malade vers les murs de la tour. Il y avait des flics partout, et au moment où j'allais décoller du sol, ils m'ont attrapé et passé les menottes», raconte Alain Robert.

Libéré sous caution. Dans sa poche, deux comprimés de ses anxiolytiques quotidiens (il souffre, séquelle d'un accident en falaise, d'un trouble épileptique), pris en prévision de l'inévitable garde à vue... mais pour lesquels il avait omis de se munir de l'ordonnance. La police l'accuse alors de détention de drogue : une agence de presse répercute la nouvelle qui fait le tour du monde et la une du quotidien régional à Pézenas, où il vit, pour le plus grand discrédit familial. Entre-temps, la sanction texane tombe : quinze jours de prison, dont sept ferme. Après deux jours de détention, il est libéré sous caution. Il devra retourner au Texas purger sa peine si elle est confirmée. Il a alors décidé de répondre par son meilleur moyen d'expression : grimper en solo les 103 mètres d'une tour de verre et de métal.

Comme souvent lorsqu'il est démuni d'autorisation et qu'il choisit de passer en force, Alain Robert a été interpellé mardi à sa descente de la tour Cristal. Mais, après avoir constaté qu'en l'absence de détérioration le droit français ne prévoit rien qui permette de poursuivre l'«homme-araignée», les policiers, plutôt amusés, l'ont raccompagné jusqu'à sa voiture... Déjà, en 2003, Elf avait tenté de porter plainte : la multinationale avait été déboutée par la justice. A l'étranger, en revanche, Alain Robert a tâté pas mal de cellules, de Kuala Lumpur à Londres... Condamné à deux mois ferme au Japon, tabassé par la police, il n'avait purgé que neuf jours grâce l'intervention de l'ambassade de France.

Cette performance parisienne est en tout cas une ligne de plus à son palmarès : depuis 1994, il a grimpé plus de 70 gratte-ciel dans le monde entier, de l'Empire State Building de New York à l'une des tours Petronas de Kuala Lumpur, en passant par la tour Montparnasse et l'Opéra de Sydney... Anticonformiste rebelle, il met parfois sa célébrité au service de causes humanitaires, Téléthon, collectes de fonds contre le sida, jusqu'à son impertinente ascension de la tour Elf en avril 2003, vêtu d'un tee-shirt «Non à la guerre» pour dénoncer l'entrée des Américains en Irak... «Je reçois des centaines de mails de sympathie. On me remercie pour la part de rêve que j'apporte, mais aussi parce que je brave des interdits dans notre société de plus en plus sécuritaire. Ces messages sont ma vraie récompense.»

Au fil des années, Alain Robert est devenu hypermédiatisé. Il en sourit : «Bien sûr, c'est agréable d'être célèbre et médiatisé. J'ai été interviewé par Holtz, Drucker, Dechavanne, Delarue... J'ai rencontré rois et reines, Présidents et Premiers ministres. Mais les rencontres les plus magiques que j'aie faites, ça a été avec des clodos de Manhattan, des anonymes de Bangkok ou de Bamako... Escalader les buildings, c'est bien sûr un métier, mais plus fort que tout, il y a ma passion de toujours pour la verticalité et le solo. J'ai découvert sur ces bâtiments artificiels une verticalité fantastique, absolue, que je n'avais jamais trouvée en falaise ou en montagne...»

La plupart du temps, Alain Robert gravit ces tours sans corde d'assurage, ce qui correspond à la pratique sportive dite du solo intégral sur les falaises naturelles. Cette discipline spectaculaire est rarissime à haut niveau, mais elle fut extraordinairement médiatisée dans les années 80, sous le règne d'un certain Patrick Edlinger.

Gagne-pain. Alain Robert est simplement un pratiquant passionné de l'escalade depuis son adolescence. Il a longtemps écumé les falaises mythiques du sud de la France, où il excellait déjà dans la pratique du solo intégral, avant de se lancer sur des tours, poussé par un sponsor. Il s'est découvert une passion pour cette grimpe urbaine, et un gagne-pain confortable : il est sponsorisé, invité à des ascensions promotionnelles rémunérées et à des conférences en entreprise, vend photos et livres... «Il a saisi une opportunité et trouvé ainsi une reconnaissance médiatique et des revenus qui n'existent pas pour les grimpeurs», souligne Alex Chabot, champion d'escalade mondial surtitré... et totalement ignoré par les médias. «Son énorme médiatisation a tendance à donner une image déformée de l'escalade... mais j'aimerais bien aller jouer un jour avec lui sur une tour !» ajoute-t-il.

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